Sermon -Marc 8 : 27-33 (12 septembre 2021)
Comme j’ai mentionné à plusieurs reprises déjà, nous sommes en pleine campagne électorale fédérale. Les derniers grands débats télévisés ont eu lieu il y a quelques jours. Durant ces événements, l’un des objectifs principaux des chefs est de se définir, mais surtout de définir les autres formations. Les candidats et les candidates utilisent des phrases comme : « Nous sommes le parti qui priorise ceci contrairement à nos adversaires qui pensent cela. » Même si ce procédé manque beaucoup de subtilité et même si les déclarations ne sont pas toujours exactes, ce procédé s’avère plus efficace que les longues analyses des plateformes électorales. Les gens semblent aimer lorsqu’ils peuvent résumer une personne en quelques mots.
Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais le passage de ce soir est un moment pivot dans l’évangile selon Marc. Située presque exactement au milieu du livre, cette conversation entre Jésus et ses disciples marque un tournant dans le récit débuté plus de sept chapitres plus tôt. Jusqu’à ce moment, plusieurs personnes, dont les disciples eux-mêmes, se questionnent au sujet de la vraie identité de Jésus. Qui est cette personne qui commande même aux esprits mauvais? Qui est donc cet homme pour que même le vent et l’eau du lac lui obéissent? Malgré tous les signes et les miracles effectués par Jésus, les habitants de la région ne parvenaient pas à le définir. Ils ne pouvaient pas le faire entrer dans une catégorie prédéfinie.
Le passage débute en mentionnant que Jésus et ses disciples partirent vers les villes proches de Césarée de Philippe. Si nous regardons sur la carte, nous pouvons voir Nazareth, Capharnaüm et la mer de Galilée. La région de Césarée de Philippe était juste à l’extérieur de la limite nord du territoire peuplé par les Juifs de cette époque. Le but de ce séjour n’est pas clairement spécifié. Peut-être est-il temps de prendre un peu de distance par rapport aux événements des derniers mois. Parfois, lorsque nous sommes trop proches d’une réalité, nous avons de la difficulté à y voir clair. Je ne sais pas vous, mais quand je sors de mon contexte, je peux penser plus clairement.
Jésus utilise ce moment pour effectuer un petit sondage interne. Sans aucune forme de préambule, il demande à ses disciples : « Que disent les gens à mon sujet? » Que racontent-ils sur moi? Comment me définit-on? Les disciples offrent plusieurs réponses. « Certains disent que tu es Jean-Baptiste, d’autres que tu es Élie, et d’autres que tu es l’un des prophètes. » C’est quand pas vilain d’être comparé aux plus grands prophètes de son peuple. Ça doit faire un petit velours. Ce que le texte ne dit pas est si les disciples ont aussi partagé d’autres réponses moins flatteuses comme : « Certains pensent que tu es un charlatan, d’autres que tu es le fils d’une relation illicite entre ta mère et un soldat romain, et d’autres qui se foutent royalement de toi. » Jésus a dû écouter silencieusement toutes ces réponses avant de poursuivre avec la question qui tue : « Et vous, que dites-vous que je suis? » Pierre lui répond tu es le Christ. Et voilà. En quelques lignes, la nature vraie nature de Jésus est pleinement révélée. Pour utiliser le jargon théologique, le secret messianique est finalement dévoilé à tous et à toutes. La deuxième partie de l’évangile selon Marc peut débuter.
La déclaration de Pierre annonçant que Jésus est le Messie (Christos en grec) est lourde de sens. Dans la culture israélite, cette personne ointe, comme le grand roi David, recevait la mission de purifier la société, rétablir la suprématie du royaume d’Israël sur les autres nations avoisinantes et amorcer une nouvelle ère de paix et de sanctification. Il était vu comme un champion, un libérateur du joug des ennemis du peuple de Dieu. Il était une personne qui méritait que l’on abandonne tout pour le suivre. Jésus annonce à ses disciples qu’il doit souffrir et mis à mort, Pierre n’est pas capable d’accepter ces mots. Le Messie ne peut pas parler et agir de cette façon. Tel n’est pas son destin. Jésus doit surement se tromper. Il faut le ramener à l’ordre. Il faut lui expliquer que ses paroles ne correspondent pas à son identité.
Combien de fois avons-nous investi tous nos espoirs dans une personne avant de nous sentir amèrement déçus? Combien de fois avons-nous été profondément surpris par les mots et les agissements d’un individu de notre entourage? Combien de fois avons-nous refusé d’écouter lorsqu’un proche a voulu nous révéler sa vraie nature? Comme les disciples, nous voulons souvent définir et catégoriser les personnes autour de nous pour économiser du temps et des efforts. Nous voulons que tous et toutes correspondent à nos attentes, nos rêves ou nos valeurs. Nous voulons voir en eux et en elles exactement ce que nous voulons y voir.
Cette conversation entre Jésus et ses disciples est une invitation pour nous tous et toutes afin d’arrêter de nous imposer des limites, de nous contenter de comparaisons parfois boiteuses, et de laisser derrière nous nos propres définitions associées à des titres des appellations ou des positions dans notre société. Nous sommes invités à ouvrir nos esprits à de nouvelles réalités. Nous sommes mis au défi d’être bousculé dans notre façon que nous catégorisons le monde qui nous entoure. Nous sommes appelés à accepter que certaines personnes se défissent différemment de ce que vous voudrions, de ce que nous nous attendions.
Et vous, qui dites-vous que je suis? Jésus est-il un grand prophète? Le Roi des rois? Le Messie? Dieu? Un ami? Les disciples se sont posé cette question pendant plusieurs chapitres dans l’évangile selon Marc même s’ils côtoyaient Jésus tous les jours. Et 2000 ans plus tard, nous nous posons toujours les mêmes questions. Comment pouvons-nous définir ce Jésus Christ dans notre monde actuel? Comment pouvons-nous le définir en seulement quelques mots? Et si toutes ces questions n’avaient aucune importance à la fin. Jésus semblait comprendre pleinement sa pleine nature et sa mission dans ce monde. Peut-être avons-nous seulement à accepter et simplement agir en conséquence. Amen.