Sermon -Marc 9 : 30-37 (19 septembre 2021)
Marc 9 : 30-37
« Si quelqu’un veut être le premier, il doit être le dernier de tous et toutes et le serviteur de toutes et tous. » Cette phrase est profondément ancrée dans la culture occidentale depuis des siècles. Elle est devenue une sorte de cliché utilisé ad nauseam par les politiciens de tout parti qui veulent être élus. Ils ne se présentent pas pour leur propre intérêt; ils veulent être au service des gens. C’est très beau, mais ne nous leurrons pas. Nous savons tous et toutes que nous vivons dans une société de résultats et de performance. Le statut et la valeur d’une personne sont définis par le salaire, le titre, les diplômes, les positions occupées ou le fameux nombre d’abonnés sur les médias sociaux. Le quantitatif l’emporte toujours sur le qualitatif. Comme disent les anglophones : ‘More is better!’ ‘Plus, c’est toujours mieux!’
Même les milieux d’Église n’y échappent pas. Par exemple, les paroisses de l’Église Unie du Canada doivent préparer des rapports pour le bureau central tous les ans. D’après vous, est-ce qu’elles doivent présenter leurs projets ou les moyens utilisés pour rejoindre la communauté? Non! Les paroisses reçoivent des formulaires demandant combien de personnes se pointent au culte le dimanche matin; combien elles ont de membres officiels; combien elles ont de familles sur leur liste… Comme ailleurs, les signes de vitalité d’une communauté de foi passent par les chiffres. Les meilleurs, les plus importants et les plus grands sont ceux qui attirent le plus de personnes.
La lecture de ce soir tirée du neuvième chapitre de l’évangile selon Marc nous montre que ce phénomène n’est pas nouveau. Sur la route vers Capharnaüm, les disciples avaient discuté entre eux pour savoir lequel était le plus grand. Si nous tenons souvent pour acquis que le but de cette discussion avait pour but d’établir une hiérarchie entre les disciples, le passage peut être compris plus largement. Quel homme était le plus grand dans leur société ou dans l’histoire du peuple de Dieu? Je dis ‘homme’ parce que l’exercice est toujours le même. Googlez ‘Top 10 des personnes les plus influentes de l’histoire’ et vous verrez que ce sont toujours des hommes qui étaient riches, qui avaient du pouvoir ou une importante armée, ou qui pouvaient imposer leur volonté aux autres. Comme vous pouvez vous en douter, ces listes et ces classements sont toujours basés sur critères arbitraires et des préoccupations différentes. Un homme dans la cinquantaine vivant à Ottawa ou une jeune femme à Bamako n’auront pas nécessairement la même réponse. Cependant, une chose semble demeurée constante. Nous nous interrogeons rarement sur les personnes qui ont eu le plus d’impacts positifs dans une communauté, une famille ou simplement nos vies. Encore une fois, nous favorisons le quantitatif au détriment du qualitatif.
Lorsque Jésus demandé à ses disciples le sujet de leur discussion en chemin, ceux-ci n’osent pas répondre. Ils agissent comme des enfants qui se sont fait prendre la main dans le sac de biscuits mauvais pour leur santé. Ils savent très bien que ce genre de débat est une peu ridicule. Au lieu de les réprimander, Jésus prend un petit enfant et le plaça devant ses disciples. Il le serre dans ses bras et leur dit : « Celui ou celle qui reçoit un de ces enfants à cause de moi, me reçoit moi-même; et celui ou celle qui me reçoit ne reçoit pas seulement moi-même, mais aussi celui qui m’a envoyé. »
Habituellement, je remarque deux réactions à la lecture de ce texte. La première est un certain malaise parce que Jésus touche un enfant qu’il ne semble pas connaître et l’instrumentalise pour donner une leçon aux disciples. Mais la réaction la plus commune est de dire : Ahhh! Un enfant! C’est tellement adorable! Si oui, les enfants sont adorables… la majorité du temps… Jésus n’essaie pas de charmer son auditoire. Comme je le mentionne souvent, il faut comprendre le contexte afin de mieux saisir le message. Dans le monde gréco-romain antique, les enfants n’avaient pas de statut social ou d’organismes pour défendre leurs droits. Au mieux, ils étaient vus comme des adultes en formation. Le plus souvent, ils étaient considérés au même niveau que des serviteurs. Tout comme aujourd’hui, un enfant ne pouvait pas repayer ou compenser une autre personne pour un service. Ils étaient vulnérables, toujours à la merci de personnes plus vieilles, plus grandes ou plus fortes. Alors, en plaçant un enfant à leur centre, Jésus met au défi ses disciples d’évaluer la grandeur d’une personne par le traitement qu’elle réserve aux plus faibles de notre monde.
Souvent, les plus grands gestes se font loin des foules ou des caméras. Ils sont une série de petites choses qui touchent la vie parfois d’une seule personne. Je crois que nous avons tous et toutes des personnes qui ont posé un geste qui a un impact significatif sur nos existences. Nous avons appartenu à des communautés, physique ou virtuelle, qui se sont mobilisées pour aider des individus qui ne pouvaient pas nous compenser. Nous avons donné un lift à une personne sans voiture. Nous avons le restaurant à une personne qui traversait une mauvaise passe. Nous avons éprouvé de l’empathie pour le bien-être d’un autre, peu importe son statut social, ses accomplissements ou la quantité d’argent dans son compte de banque.
« Si quelqu’un veut être le premier, il doit être le dernier de tous et toutes et le serviteur de toutes et tous. » Nous connaissons cette phrase célèbre de Jésus, mais 2000 ans plus tard, nous avons souvent l’impression que notre société est toujours à la même place. Parfois, à trop vouloir se comporter comme les derniers, à vouloir démontrer son humilité et sa compassion à tout prix, nous finissons à ressembler et agir comme les premiers. Pourtant, le message de Jésus est assez clair. La grandeur ne se définit pas par le pouvoir, mais par l’amour manifesté pour les autres. Nous sommes tous et toutes appelés à adopter cette philosophie, ce mode de vie, qui se détache des résultats, des chiffres ou de la rentabilité. Faisons une différence dans la vie de ceux et celles qui ne peuvent pas nous repayer. Amen.