Sermon – Matthieu 25: 1 – 13 (8 novembre 2020)
Matthieu 25 : 1-13
Je répète souvent que les paraboles de Jésus sont des histoires dérangeantes qui visent à nous surprendre et nous rendre un peu inconfortables. La lecture de ce soir tiré de l’évangile de Matthieu en est pour moi un exemple parfait. La parabole des dix jeunes femmes est traditionnellement présentée comme une allégorie sur le retour du Christ. Un peu comme dans la fable de la cigale et la fourmi, nous sommes toutes et tous invités à nous préparer et à être toujours prêts pour le moment du jugement dernier. Les croyants et les croyantes qui ne le seront pas ne pourront pas entrer dans le Royaume.
J’ai toujours eu de la difficulté avec cette interprétation. Sûrement pour cette raison, j’ai demandé dans un groupe Facebook de pasteurs de l’Église Unie si mes collègues trouvaient cette histoire profondément misogyne. D’abord, nous avons 5 femmes trop nounounes pour penser d’apporter un peu plus d’huile juste au cas où. Les cinq autres femmes sont méchantes et refusent de partager. Et un homme arrive à la fin de l’histoire et décide quelles femmes peuvent entrer dans la salle de mariage. J’ai demandé s’ils ou elles trouvaient cette histoire problématique parce que les femmes rejetées n’ont pas commis de péché. Pire, elles se font blâmer d’arriver en retard par un marié pas foutu de se présenter à sa noce avant minuit. Vous auriez dû voir les tentatives de certains pasteurs de défendre l’interprétation officielle, de citer les normes culturelles de l’époque ou de tout simplement nier les problèmes soulevés. De toute beauté!
À la suite d’une longue réflexion, je suis arrivé à une interprétation un peu différente de ce texte. Si vous ne l’aimez pas, je ne vais pas m’offusquer. Au tout début du passage, Jésus ne parle pas de son retour sur Terre, mais du Royaume de cieux. Essentiellement, il dit que le Royaume ressemblera à 10 jeunes femmes qui prirent leurs lampes et sortirent pour aller à la rencontre du marié et participer à la noce. Voilà. Ce n’est pas plus compliqué que cela. Les dix jeunes femmes sont heureuses. Elles ont tout ce qu’il leur faut pour profiter du moment ensemble.
La suite de l’histoire est une succession de mauvaises décisions qui les éloignent du Royaume. Quand le marié daigne se pointer après une longue attente, il n’y a plus assez d’huile pour toutes les lampes. Et au lieu de croire au message d’abondance prêché par Jésus comme dans l’épisode de la multiplication des pains et des poissons, par exemple, 5 des jeunes femmes refusent de partager leur huile parce elles ont peur de manquer de ressources et elles préfèrent leur sécurité au bien-être de leurs consœurs. Et lieu de demeurer solidaires durant un moment difficile et partager le peu de lumière qu’elles ont, les mêmes 5 jeunes femmes créent une division dans le groupe en forçant leurs consœurs à trouver un magasin en plein milieu de la nuit. Et au lieu d’inclure et accepter les gens comme Jésus l’a fait durant son ministère sur Terre, le marié rejette 5 des femmes et les laisse sur le pas de la porte.
Parfois, nous passons tellement de temps à parler et rechercher le Royaume des cieux que nous avons de la difficulté à le voir quand il pointe le bout du nez dans nos vies. Notre désir d’être préparé correctement, d’avoir toutes les bonnes réponses ou d’agir selon des normes acceptées nous empêche de simplement suivre les grands principes du Royaume des cieux dans notre vie quotidienne. Nos peurs de pénurie nous conduisent à accumuler des surpris lorsque d’autres sont en manque. Nos peurs d’ouvrir trop grandes les portes de nos institutions excluent des personnes merveilleuses. Progressivement, la prudence devient plus importante que la générosité. La rectitude remporte sur l’accueil. Le respect des règles triomphe sur la compassion.
Nos mots et nos choix ont toujours des conséquences. Si en tant que pasteur je perpétue les clichés sur les femmes incapables de s’organiser et de trouver des solutions constructives ensemble, je m’éloigne de l’idéal du Royaume des cieux. Si je refuse de considérer l’impact de mes actions sur les autres, même celles que je ne connais pas, je m’éloigne de l’idéal du Royaume des cieux. Si je commence à décider qui est une bonne personne et de juger du parcours de vie des personnes que je rencontre, je m’éloigne de l’idéal du Royaume des cieux. Les valeurs du Royaume de cieux prêché par Jésus sont l’inclusion radicale, l’amour inconditionnel, le pardon extravagant et l’équité pour toutes et tous. Voilà. Ce n’est pas plus compliqué que cela.
La parabole des dix jeunes femmes n’est pas une histoire de lampes, d’huile ou du jugement dernier à la fin des temps. C’est une invitation à célébrer la présence du Royaume des cieux qui est déjà accessible dans nos vies. C’est aussi une mise en garde contre nos mots, nos choix et nos décisions qui nous tiennent loin de la fête et excluent trop de nos frères et sœurs. Puissions-nous vraiment comprendre ce message pas si compliqué. Amen.