Sermon – Matthieu 3: 1-12 (4 décembre 2022)
Matthieu 3 : 1-12
Dans les mouvements révolutionnaires, il y a plusieurs types de leaders. Autant à gauche qu’à droite, nous pouvons retrouver des personnes que je qualifierais de politiciens. Il s’agit d’individus qui travaillent avec les gens de la base, qui parlent aux foules, qui écoutent les idées des autres et qui tentent d’établir des consensus par des compromis. Dans ces groupes, il y a aussi les idéologues. Ils sont souvent les gardiens de la ligne dure. Elles prônent la pureté et refusent d’arrondir les coins. Ces personnes sont souvent peu intéressées par les moyens pour arriver à leurs fins; le seul but est d’atteindre un idéal coûte que coûte.
En ce deuxième dimanche de l’avent, nous rencontrons l’un des rares personnages présents dans tous les évangiles, Jean le baptiste. Dans la version selon Matthieu, il n’est pas introduit comme le cousin de Jésus, mais un homme vivant dans le désert de Judée. En fait, Jean est l’incarnation d’une des prophéties d’Ésaïe. Il est la voix qui crie dans le désert. Il est celui qui demande de préparer le chemin du Seigneur. De plus, ses discours sont appuyés par une série d’indices établissant sa crédibilité auprès de la population. Il s’habille et se nourrit comme le prophète Élie. Ses dénonciations ressemblent à celles d’Ésaïe ou d’Amos. Tous les signes pointent dans la même direction. Jean Baptiste est un prophète dans la lignée des grands du Premier Testament.
Si Jésus était plus proche de l’image du politicien (c’est-à-dire qu’il était proche des gens ordinaires; il prenait le temps d’expliquer le concept du Royaume de Dieu; il a même échangé avec des gens aux opinions différentes de la sienne), Jean Baptiste se situe plutôt dans le camp des idéologues. Le compromis ne semblait pas être son fort. Il préfère utiliser des images fortes pour proclamer l’imminence d’un grand jugement. Il traite les pharisiens et les saducéens venus l’écouter de vipères qui tentent d’échapper la colère de Dieu. À ceux et celles qui refusent d’entendre raison, il parle de hache prête à couper l’arbre à la racine, d’arbre brûlé parce qu’il ne produit pas de bons fruits et de pelle à vanner qui lance la mauvaise paille dans un feu éternel. Cet homme ne semblait pas connaitre l’existence de mots comme modération ou compromis.
Il faut comprendre que Jean ressentait un sentiment d’urgence. Pour utiliser une expression bien québécoise, il n’y avait pas le temps à niaiser. Il croyait fermement qu’un grand renversement dans l’histoire du peuple de Dieu, dans l’histoire de l’humanité, était sur le point de se réaliser. Un monde nouveau était à portée de main. Le moment de l’accomplissement de toutes les promesses de Dieu offertes aux humains était venu. Le temps n’était plus à l’étude, au discernement ou à l’hésitation. Le temps était arrivé de sauter dans le train du changement. Il fallait agir dès maintenant parce que cette grande révolution ne pouvait s’accomplir seulement si les gens acceptaient de changer radicalement leur mode de vie.
Sur les rives du Jourdain, Jean propose un baptême à tous ceux et celles qui sont venus le rencontrer. Cette offre dépasse les limites de son peuple qui a établi dans le passé de nombreuses alliances avec le Seigneur. Les habitants de Jérusalem, de la Judée, et les peuples des régions avoisinantes sont invités à cet acte de repentance. Aujourd’hui, nous comprenons le mot “repentance” comme un regret de nos fautes ou de nos péchés. Cependant, le mot grec utilisé dans les textes originaux signifie davantage se donner une norme de conduite différente, supposée meilleure. Il y a une idée de changement de direction, de prise de conscience du chemin que l’on suit afin de découvrir une nouvelle voie. Le baptême offert par Jean est un marqueur du début d’un mode de vie. Il est une promesse d’un nouveau départ basé sur de nouvelles orientations. Le baptême de Jean est une invitation de se tourner ou retourner vers Dieu parce que l’arrivée de son règne est imminente.
Deux mille ans plus tard, nous regardons le discours de Jean le baptiste et certains d’entre nous se demandent s’il s’est peut-être un peu trompé dans ses prédictions. A-t-il confondu ses rêves avec la réalité de notre monde? A-t-il oublié de convaincre les gens de se joindre à sa révolution? A-t-il été seulement une voix qui a prêché dans le désert? Cependant, le passage d’aujourd’hui peut nous amener à nous questionne sur la direction de nos vies. Est-ce que le même feu de Jean Baptiste brûle en nous? Croyons-nous qu’un grand renversement soit encore possible? Ressentons-nous l’urgence d’agir pour transformer notre monde? Les paroles de Jean Baptiste nous mettent au défi comme ce fut le cas il y a 2 000 ans dans le désert de Judée. Nous sommes encore invités à identifier les systèmes d’exploitation, à dénoncer les injustices et à rejeter l’utilisation de la violence dans notre monde. Nous sommes incités à examiner nos valeurs et nos actions afin de nous améliorer et de devenir de meilleures personnes. Nous sommes mis au défi tourner vers le Seigneur afin d’entendre son message paix, de justice et d’équité pour tous et toutes. Nous sommes appelés à croire que la venue d’un nouveau monde est encore une possibilité imminente.
Si les évangiles nous ont appris que Jésus était un être extrêmement patient, surtout quand ses disciples ne comprenaient rien, Jean le baptiste était tout le contraire. Dans le désert de Judée, il a appelé une transformation radicale immédiate. Le temps d’un grand changement entraînant la fin d’un monde et le début d’un autre était arrivé. À quelques semaines de la célébration de la naissance de Jésus le Christ, nous sommes appelés à notre tour à croire que cette révolution peut commencer dès maintenant. Amen.