Trouver le Christ dans les plus petits
Matthieu 25, 31-45
L’idée du jugement dernier n’est pas très populaire dans beaucoup de nos Églises de nos jours, même s’il existe depuis le début de la chrétienté. Dans le Symbole des Apôtres, la plus ancienne confession de foi chrétienne que nous connaissons, il est mentionné : « il [Jésus Christ] viendra juger les vivants et les morts. » Ce concept est surement inspiré du texte d’aujourd’hui, tiré de l’évangile selon Matthieu, où le Fils de l’Homme rassemble toutes les nations de la Terre et sépare les personnes selon leurs bonnes actions. Ce soir, je pourrais vous offrir un long exposé théologique sur le sens profond de ce passage… je pourrais. À la place, j’aimerais plutôt débuter ma réflexion avec une histoire que j’ai trouvée dans le livre « One hundred wisdom stories from around the world », une histoire intitulée « Le cadeau de l’étranger ».
Il était une fois un village qui connaissait des moments très difficiles. Autrefois, les villageois étaient toujours heureux. La communauté était célèbre pour sa convivialité. Les visiteurs étaient toujours bien reçus. Mais les choses ont changé à un moment donné. Sans trop savoir pourquoi, les gens ont commencé à se chicaner pour des riens. La jalousie s’est installée entre des amis. Les étrangers étaient regardés avec suspicion. Le pauvre chef du village était découragé par cette situation. Il ne savait quoi faire pour sauver sa communauté. Un jour, une femme est arrivée dans le village avec un air convaincu, comme si elle était en mission, comme si elle savait déjà ce qu’elle allait y trouver. Le chef a accueilli cette visiteuse. Les deux ont commencé à parler. Le chef lui a confié qu’il croyait que la fin de son village était imminente. La femme lui a répondu qu’il ne devrait pas désespérer parce qu’elle savait quelque chose d’important au sujet de la communauté. Dis-le-moi rapidement, a répondu le chef. La femme s’est approchée et lui a confié : « Une des personnes qui habite le village n’est nulle autre que le Messie ». Le chef ne pouvait pas le croire, mais la femme semblait vraiment convaincue par son affirmation. Un peu plus tard, la femme a fini par poursuivre sa route. Le chef du village, ne sachant pas trop quoi penser de tout cela, s’est confié à son meilleur ami et comme il s’agissait d’un petit village, la rumeur s’est répandue comme une trainée de poudre. « L’un ou l’une de nous est le Messie! Ce n’est quasiment pas possible. » Les villageois ont commencé à se demander qui était ce Messie vivant incognito dans leur village. Est-ce que c’était la boulangère? Est-ce que c’était l’homme qui distribue le courrier? Est-ce que c’était la vieille femme qui vend des œufs au marché du village? Pendant que les gens spéculaient, une chose intéressante s’est produite. N’étant pas certains de l’identité du Messie, les gens ont commencé à se parler différemment. Parce que l’on ne sait jamais, ils ont commencé à faire attention à leurs actions. Les villageois ont commencé à se réunir pour penser à de nouveaux projets, convaincus qu’ils pouvaient les accomplir en raison de cette personne spéciale en leur sein. Assez rapidement, la joie, le respect et les visiteurs étaient de retour. La femme n’est jamais revenue dans le village. Elle n’en a jamais eu le besoin.
Je devrais peut-être arrêter ma réflexion ici. Pourquoi gâcher une belle histoire avec des commentaires plus ou moins pertinents? Le Messie est peut-être déjà parmi nous. Le Christ peut être rencontré dans plusieurs aspects de notre vie quotidienne. Comme le souligne le passage de ce soir : « En vérité, je vous le déclare, chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits, qui sont mes frères et mes sœurs, c’est à moi que vous l’avez fait! »
Plusieurs d’entre nous sont assez confortables avec l’idée de ressentir une présence divine dans de belles églises, à travers la musique ou par l’entremise de la beauté de la nature. Nous sommes même habitués à l’idée que le Christ puisse être représenté sous les traits d’une personne marginalisée par notre société, comme les gens affamés, sans vêtement, malades ou emprisonnés. Après tout, s’occuper des pauvres et des exclus est un peu le fonds de commerce du christianisme. C’est notre raison d’être. Mais qu’en est-il des personnes qui ne correspondent pas à nos préférences? Est-ce que la présence du Christ peut se trouver dans un homme qui ne partage pas nos opinions politiques, une femme qui défend des valeurs à contre-courant ou une personne d’une autre religion? Est-ce que le Christ pourrait être un individu qui nous dérange et avec qui nous ne voulons pas établir de relation?
La vérité est que le Christ n’a pas besoin de notre permission pour vivre dans notre monde. Le Christ n’a pas besoin de se conformer à nos sensibilités, nos préférences ou notre théologie. Le Christ est parmi nous durant ce moment de culte sur internet et partout durant le reste de la semaine. La présence du Christ peut se trouver dans toutes les personnes autour de nous, peu importe l’âge, le genre, les origines, l’orientation sexuelle, le statut social ou les conditions d’existence. Notre mission n’est pas de délimiter des catégories acceptables pour la présence du Christ, mais d’accueillir cette réalité. Et si nous sommes obligés d’accomplir des efforts pour modifier nos points de vue et nos pratiques, nous sommes appelés à considérer ce changement non pas comme une autre obligation imposée par le wokisme, mais une occasion pour nous ouvrir les esprits, de faire de la place pour ceux et celles trop souvent oubliés et d’inclure les personnes qui ont peut-être une culture ou une manière de faire différente de la nôtre. Nous sommes invités à rencontrer le Christ à travers toutes les personnes de notre communauté, de notre société et de notre monde.
La semaine prochaine, nous allons débuter l’Avent. Durant ce temps spécial de l’année, nous serons invités à se préparer à la célébration de la naissance du Messie et à découvrir la présence continue du Christ dans notre monde. Peut-être, nous le trouverons à travers notre voisin ou la dernière personne que nous pouvons imaginer. Parce que l’on ne sait jamais, peut-être le Christ est nulle autre que l’un des plus petits membres de notre communauté. Amen.