Une espérance pour demain
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Genèse 9 : 8-17
Nous avons marché ce soir sur des œufs en effleurant le très fameux récit du déluge, n’est-ce pas ? Souvenons-nous un instant de cette histoire dans laquelle les êtres humains se mirent à tant pratiquer le mal au point que le Seigneur regretta même leur existence. Celui-ci avertit Noé qui construisit une arche afin de sauver sa famille ainsi que plusieurs animaux, condamnant de facto tout le reste. Dieu extermina toutes les créatures terrestres à l’exception de celles qu’il a choisies.
On comprend comment un récit comme celui-là peut nous agacer aussitôt qu’on l’aborde. Déjà nous viennent à l’esprit plusieurs questions comme celle à savoir comment le Dieu de Jésus Christ a pu commettre une telle atrocité envers sa propre création. Une telle question se pose et elle est légitime, bien qu’en rester là serait un piège. À mon avis, la question impossible à résoudre qu’est celle de la raison de l’existence du mal finirait par éclipser celle de la grâce qui est quant à elle centrale. De même, être en opposition contre le texte serait oublier, à mon avis, que tout un monde sépare la théologie du 21e siècle d’avec celle de l’auteur de la Genèse. Les temps coulent comme une rivière et notre conception de Dieu se réforme selon notre expérience et notre culture.
Cette fluidité de nos conceptions n’enlève pourtant rien à la force évocatrice du désastre qui, rappelons-le, débouche sur une alliance entre Dieu et les vivants. Fait intéressant : le déluge qui emporta toute vie terrestre n’est pas un récit exclusif à la Bible. On le retrouve entre autres dans d’autres corpus, dont celui des grands récits sumériens, et ce, avec quelques différences narratives. Je passe les détails, mais cette mention du déluge à travers différents écrits laisse supposer que nous sommes peut-être devant un évènement traumatique qui a fait écho jusqu’à nous, et ce, peu importe les libertés prises par le texte. Malgré l’océan qui nous sépare de ses auteurs, les Écritures évoquent un évènement qui a secoué les assises de ceux qui l’ont vécu et dont le seul secours a été le Seigneur.
Nous aussi, d’ailleurs, nous avons vécu notre lot de traumatismes. Chasses aux sorcières et lynchages, camps de concentration, inondations et tornades, orgueil et pouvoir, guerres et meurtres, exploitation des enfants. Devant toutes ces catastrophes qui secouent encore notre monde, c’est avec légitimité que nous pouvons nous sentir sans force. Impuissants que nous sommes devant le péché qui fracture notre monde et qui fait de nous ses victimes tout en étant en bonne partie responsables, nos œuvres se révèlent être bien souvent impuissantes.
Triste constat ! Toutefois, c’est peut-être dans cette reconnaissance de notre impuissance que le texte nous révèle la grâce de Dieu. Face à ce qui nous dépasse et ce qui ne trouve pas de réponses satisfaisantes, il est possible de nous souvenir des bienfaits qui nous ont été accordés tout au long de l’histoire de la vie. Dès lors, notre espérance en Dieu n’est pas une espérance passive, mais une espérance qui s’appuie sur notre expérience du divin. Au risque de paraître facile… nous reconnaissons que la guerre laisse un jour la place à la paix, que le deuil se dénoue pour laisser place à la vie. Espérer en Dieu et en la suite du monde n’est pas une affaire d’abstraction, mais de reconnaissance. Une reconnaissance des signes de sa grâce, actuelle et à venir, à même les catastrophes diluviennes qui s’acharnent contre nous. Nous tous avons survécu au pire de nous-mêmes, au pire des aléas des forces qui nous échappent.
Faisons un exercice tous ensemble :
Souvenez-vous… Souvenez-vous un instant d’une situation qui vous êtes arrivées… Où les temps ont été durs… Une situation où nous ne pensions plus émerger des eaux… Mais, nous voilà ici aujourd’hui, dans cet espace sacré… Enraciné en Dieu qui dit un jour à Noé :
« Voici le signe de l’alliance établie entre moi, vous et tout être vivant, pour toutes les générations à venir : je place mon arc dans les nuages ; il sera un signe qui rappellera l’engagement que j’ai pris à l’égard de la terre. »
Tout comme Noé, vous et moi vivons dans des temps incertains. Qu’adviendra-t-il du lendemain avec toutes ces guerres qui se déclenchent, ces famines spirituelles et matérielles, ces maladies de l’âme et toutes ces défaites qui plongent notre humanité dans le fond des abîmes ? Il ne nous reste qu’à espérer en Dieu et à nous souvenir de tous ces signes que nous avons vus dans notre ciel clair-obscur, de toutes ces expériences du divin que nous avons fait au cours de notre vie comme au cours de notre histoire humaine. Histoire d’amour dont l’alliance entre Dieu et les vivants nous permit de confesser notre foi avec des mots que vous connaissez probablement… ou que vous pouvez découvrir en ce moment même.
Nous ne sommes pas seuls,
nous vivons dans le monde que Dieu a créé.
Nous croyons en Dieu
qui a créé et qui continue à créer,
qui est venu en Jésus, Parole faite chair,
pour réconcilier et renouveler,
qui travaille en nous et parmi nous par son Esprit.
Nous avons confiance en Dieu.
Nous sommes appelés à constituer l’Église :
pour célébrer la présence de Dieu,
pour vivre avec respect dans la création,
pour aimer et servir les autres,
pour rechercher la justice et résister au mal,
pour proclamer Jésus, crucifié et ressuscité,
notre juge et notre espérance.
Dans la vie, dans la mort, et dans la vie au-delà de la mort,
Dieu est avec nous.
Nous ne sommes pas seuls.
Grâces soient rendues à Dieu qui nous rappelle chaque jour sa présence agissante. Puissions-nous à travers divers signes reconnaître que notre espérance est certaine. Que la paix du Seigneur soit nôtre en ce jour de carême où nous traversons les eaux de notre monde blessé.
Amen