Une histoire de vocation
1 Corinthiens 9 : 16-23
« Trouver sa vocation ». Voici une suite de mots qui, pourtant bien ordinaire, pourrait faire un bon titre de livre à succès. Et, entre vous et moi, ça doit déjà même être fait, vu la formulation utilisée à double tour dans notre culture occidentale et nord-américaine. Ce questionnement là, cette recherche de sens mille fois répétée de nos jours, ne date pourtant pas d’hier. Souvenez-vous de votre propre histoire alors que je prends le loisir de glisser un court anecdote sur la mienne.
J’avais alors dix ou onze ans. En sixième année – où on se prépare déjà à passer au secondaire – une conseillère en orientation faisait le tour de nos classes. Elle nous présentait différentes professions à travers des jeux et des discussions à propos de nos goûts et de nos intérêts. Son objectif était bien sûr de nous sensibiliser aux choix que nous allions faire plus tard une fois adulte et vers quels domaines d’étude nous allions nous tourner dans… environs cinq ans. Cinq ans, c’est sûr que ça allait passer vite. La conseillère en orientation nous faisait entre autres remplir des questionnaires pour nous à inspirer à un choix de carrière auquel il fallait déjà réfléchir. Il fallait bien faire de quoi de notre vie, nous autres, les jeunes. Vous savez : gagner notre argent. C’est ce que nos parents espéraient en tout cas.
En toute honnêteté, ces longs tests de couleurs, de personnalités et d’affinités en tout genre, ça n’a pas trop fonctionné dans mon cas. Je me souviens précisément que, aux yeux du test de couleurs, j’étais trop « rouge » et pas assez « bleu » pour être en sciences sociales et m’orienter vers une profession liée aux soins. « Es-tu certain que c’est ce que tu veux ? m’a-t-elle demandé » Si j’avais mis ma foi dans tous ces tests proposés par la p’tite madame ce jour-là, je serais devenu biologiste. Elle me voyait dans sa boule de cristal en train de disséquer des grenouilles et m’amuser avec des rats. Le Seigneur m’a préservé de tout cela et… après des années, voilà que je me retrouve à l’Église Sainte-Claire avec vous autres. Pas si pire, finalement, hein, une personnalité rouge comme le feu ?
Vous savez… rien ne laissait présager non plus que Saül de Tarse en vienne à choisir la voie chrétienne. Souvenons-nous de ses débuts… Non seulement il cautionna l’exécution d’Étienne à Jérusalem, mais s’était aussi fait un devoir de retourner à la ville sainte, question de se débarrasser des chrétiens. Des jeunes tout mêlés, hérétiques, des originaux qui parlent d’amour sans mesure… des « gratteux de guitare » ! On connaît bien la suite, hein : l’apparition du Christ demandant à Paul pourquoi ce dernier le persécutait en s’en prenant ainsi à ses adeptes. Aveuglé, étourdie par cette expérience décisive, Saül de Tarse remet en question sa vie et son devenir puis devient alors celui que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de Paul.
« Je n’ai pas à me vanter d’annoncer la bonne nouvelle, nous dit Paul. C’est en effet une obligation qui m’est imposée. Malheur à moi si je n’annonce pas la bonne nouvelle. »
Dans ces mots de Paul, nous retrouvons tout l’essentiel d’une vocation. La vocation n’est pas une profession, mais un don constant de soi-même. Un don qui nous dépasse. Il y a des choses que l’on accomplit non pas pour des avantages sociaux ou monétaires tel qu’un mercenaire, mais parce que nous ressentons que c’est la bonne chose à faire. Entre vous et moi… je ne suis pas certain qu’on veuille devenir enseignant au Québec pour des conditions de travail ou encore être militaire pour jouir d’une vie confortable.
Nous n’avons pas choisi d’être parents d’une manière à vivre selon nos décisions et nos habitudes… Nous n’avons pas choisi non plus d’être peintres pour être millionnaires. Paul n’a pas choisi de se plier à une supposée authenticité comme c’est le cas de bien de nos frères et sœurs. Au contraire, il a choisi cet impératif de la relation et de la communication au nom de la Bonne Nouvelle. Il s’est fait proche des autres comme un pasteur, comme un serviteur… tout comme le Christ l’a été pour lui sur le chemin de sa conversion. Communiquer un message d’espérance et de salut est devenu le centre de son être, le sens même de sa vie, quitte à s’adapter aux gens qui sont autour de lui. Plus question de « moi », mais du « nous ».
Nous aussi nous sommes quelque part comme Paul dont la vie fut transformée au fil des expériences et des signes de la grâce de Dieu. Nous avons vécu des moments de crise qui nous ont chavirés. Des échecs scolaires qui nous ont redirigés ou solidifié, des deuils qui nous ont incités à choisir la vie plutôt que la mort, des peines amoureuses qui nous exigées d’accorder le pardon à l’autre comme à soi-même. Nous avons cherché dans nos moments de peine et, contre toute attente, avons trouvé la joie dans une voie qui fait maintenant sens pour nous.
Malheur à moi si je n’enseigne pas aux élèves afin d’ouvrir l’horizon de leur avenir…
Malheur à moi si je ne prends pas soin de mes enfants jusqu’au bout de ma vie…
Il est difficile de trouver un sens à sa vie et encore plus d’assumer la vocation qui en ressort. Même si les plus jeunes nous semblent parfois un peu confus avec leur mosaïque de spiritualité, leur quête de sens nous ramène cependant à un aspect essentiel de tout appel : la connaissance de soi. Il nous faut prendre le temps de nous connaître et de nous laisser reconnaître par les autres afin que l’on soit conscient des dons que nous avons reçus de Dieu. Paul n’a pas fait un test de personnalité ni de couleurs, mais il a rencontré son prochain. Après avoir été face à face avec Jésus, Paul nous raconte comment sa rencontre avec Ananie lui a permis de changer de cap. Dès lors, dans le détour d’une rencontre lui ayant permis de traduire son appel, l’être humain en vient à mieux cerner ce à quoi Dieu l’appelle dans sa vie. Des prophètes, des Ananie et des voyageurs mystérieux, nous en avons tous rencontré sur nos chemins d’Emmaüs. Ce sont eux, par la grâce de Dieu, qui nous ont fait découvrir le sens de notre vie ancrée en Christ.
Malheur à moi si je ne défends pas la paix au péril de ma vie…
Malheur à moi si je ne m’engage pas pour la suite du monde…
Notre vocation ne nous a pas menés sur un chemin facile. Bien souvent, elle va à contresens de l’Esprit du monde. Nous croyons en des valeurs et agissons au péril de notre situation financière et, parfois même, de notre propre vie. En ce sens, la vocation se situe souvent à un cheveu de la folie, car le vrai salaire auquel on aspire est de voir autrui porter du fruit… sans même savoir si nous serons encore là pour en être témoins.
Servir une cause comme celle de l’Évangile, de la Vérité, de l’enseignement ou encore le maintien de la paix exige de nous un saut de l’ange et un abandon extraordinaire en Dieu. Ni vous ni moi, verrons tous les fruits de notre travail. Seul Dieu en sera témoin, nous rappelant que nous ne vivons pas des œuvres, mais bien de la grâce.
Frères et sœurs, nous sommes chacun appelés à une mission. Celle-ci peut être encore plus ou moins claire pour chacun. Elle peut-être, même changeante selon les saisons de notre vie. Toutefois, cette mission nous amène toujours quelque part. Nous ne cherchons pas la prospérité. En tant que chrétiens, nous ne donnons pas à autrui pour recevoir en retour, mais recherchons plutôt le bien que nous pouvons générer dans ce monde qui a besoin d’amour. Un bien qui, quoiqu’invisible, vaut tout l’or de l’humanité. Mes amis, continuons notre mission. Restons unis à Jésus qui, dans de touts petits gestes, à changer la vie de bien de ses contemporains ! Grâce soit rendue à Dieu pour le don de la vie. Amen.